Ils disent parfois, que nous sommes tout ce que l’enfance a fait de nous.
Et si tout devait disparaitre ?
Et s’il ne restait plus qu’un instant, un instant seulement, l’éveil.
Ses grands yeux gris s’ouvrent sur un monde silencieux. Le velours lisse les contours qui se dessinent. Il fait froid. Elle a froid. Le long de son échine dorsale glisse un frisson. Et sa peau, sa peau bleue est glacée.
Il fait nuit. Mais la lune est immense et elle berce de lumière la brume qui se dépose sur le sol. Un sol vide. Mais au loin, des contours flous. Elle s’avance, lentement, surement, sans réfléchir. La première ombre, la première maison est bientôt juste là. Silencieuse.
Sur le reflet d’une vitre, la lune dévoile son visage. Elle se regarde, ne se reconnait pas. Sur son visage pale, lisse, déchiré par son regard glacial, des taches sombres. Et alors qu’elle se perd dans le reflet de ses propres yeux, elles attirent son attention. Ses doigts les touchent et les taches s’élargissent comme si le seul fait de les atteindre, les rendait plus combatives.
Ses doigts les touchent, se contaminent. Sur le reflet ils semblent noirs mais alors qu’elle baisse les yeux, elle les découvre rouges. Un rouge profond. Un rouge qui jure avec l’innocence de ses yeux pales. Le sien ? Celui d’un autre ? Elle ne semble pas blessée.
Devrait-elle avoir peur ? Peut-être. Et son corps tremble. Mais ce n’est que le froid, le froid glacial de cette nuit pale. Loin, très loin, le soleil brule le firmament. Et alors qu’elle s’éloigne, la nuit fait place au jour. Sur les murs blancs de la ville sans nom, la lumière est si forte qu’elle brule ses pupilles.
Quand on lui demandera comment elle s’appelle. Elle répondra Aurore.
L’heure où la nuit fait place au jour.
L’heure où elle n’est plus qu’une ombre parmi les ombres.
Je plains les âmes damnées qui n’auront du passé que cet instant.
Cet instant seulement. Comme ultime ancre à ce monde.
Car il se devra d’être parfait, unique, sublime.